« UNHEIMLICHE »

 Toit que le pèlerin aimait à voir fumer,
Objets inanimés, avez-vous donc une âme
Qui s’attache à notre âme et la force d’aimer ?
Alphonse de Lamartine 
MILLY, ou la Terre natale 

Ils sont des isthmes de savoirs aveuglants, des points perdus dans l’espace. Ils se montrent pareil à des lanternes, ils éclairent la nuit d’un halo, mélange évanescent d’ombre et de lumière.
Mais que nous cachent ces objets immobiles ? Entendons-nous ce qu’ils disent ?
À travers la représentation de ces objets du quotidien, l’artiste ouvre un espace ordinaire, presque banal. Ces artefacts qui peuplent nos maisons habitent aussi nos âmes. Ils sont là, devant nous, dans un présent repli, dans une retenue mutique, dans un silence tangible qui rôde et insidieusement pénètre nos esprits.
Combien sont-ils ? nous ne le savons pas vraiment ! ce peuple d’objets hétéroclites semblable à un essaim, va-et-vient dans nos mémoires, apportant toujours plus de fruit à notre imaginaire. 

L’artiste s’est donc fixé la tâche de saisir leur forme et leur parole et de montrer par la superposition des images sur la toile, la géographie, le territoire dans lequel ils vivent. Par le biais des images, il s’agit donc d’ouvrir un chemin chimérique, une carte à plusieurs dimensions, franchir un espace à multiples échelles. Par couches successives, par sédimentation s’assemblent alors les fragments épars de ces objets familiers, le sens se dérobe. Et de l’ombre monte un vaste paysage bordé de son et d’images, de mers et d’océans, de fleuves calmes et noir, de forêt, de montagnes, de portraits angoissants, et de guerres. Surgissent des cris et des plaintes, des mains, des pleurs. À travers la fenêtre du tableau s’épanche une vie de mémoire qui dresse leurs figures d’épouvantes à la face à la surface lisse de ces objets d’amour.

​