Faire face à l'invisible

La nuit, c’est l’histoire du tableau Ferdinand HODLER 1888, un souvenir d’enfance, recueilli dans le dictionnaire Larousse de mes 10 ans 

Ce tableau c’est la Nuit. Que représente-t-il ? 

Les personnages sont nus ou couverts. Ils dorment dans les rochers, on a le sentiment que c’est au bord de la mer, on n’en sait rien, car on ne le voit pas. 

On pourrait dire qu’elle est donc cette représentation qui ne représente pas ce qu’elle annonce. 

C’est la nuit, une nuit présente à notre esprit, mais que l’on ne voit pas. Pour paraphraser Daniel ARASSE, on pourrait dire que « L’ON N’Y VOIT RIEN ».  

Dans la nuit de Ferdinand HODLER, il y a dans l’image quelque chose que l’on ne voit pas qui est absent au regard du spectateur, mais présent à l’œil du peintre. 

Dans l’équation de la représentation, c’est l’inconnue qui en même temps nous échappe et nous attache. C’est elle qui toujours nous enjoint à revenir dans le face-à-face, pour y découvrir ce que l’on n’a pas vu. Il y a dans l’image une interrogation qui va au-delà de la représentation. 

« Faire face à l’invisible est l’axe principal de ma démarche artistique » ; souligne l’artiste, ajoutant qu’il s’agit là, bien sûr, d’un engagement symbolique. 

Cependant, et de manière plus réelle, il semble qu’il est question aussi de la place du peintre, de celui qui se tient face à face avec l’espace du tableau et plus largement avec son territoire intérieur qui affleure à la surface de la toile. 

L’invisible est par essence indéfinissable, il s’agit de l’intuition, du rêve, de l’inconscient, de l’angoisse. L’art et la création artistique sont des manières d’accéder à ce continent. 

L’artiste a commencé cette série à la suite de son travail sur les gueules cassées. Il recherche une représentation de cette invisible angoisse présente en chacun de nous, qui avons un jour vécu le traumatisme de la violence. J’emprunte ce chemin qui passe de la forme à l’indicible comme s’il s’agissait de donner un sens, une direction, une orientation à cette longue marche vers l’image. 

Depuis longtemps, il forme le projet d’aller vers l’incarnation de ce mystère et de poser sur la toile les fondations de la représentation de l’invisible. Cette idée, il l’a expérimentée sur divers formats, composants et décomposant les éléments constitutifs de la figuration pour arriver ces dernières années à une production plus explicite et qui est aussi un aboutissement à la confluence de diverses explorations. 

« Face à l’invisible » est un projet, un dialogue construis avec l’association des Gueules Cassées qui accompagne dans cette aventure afin qu’après le témoignage historique des poilus à l’origine de la création de l’association, perdure le souvenir et la mémoire. Mais aussi afin que nous puissions aujourd’hui figurer de manière plus explicite la prégnance d’un mal invisible persistant, mais impalpable qui va au-delà des blessures corporelles.

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