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Les carnets de guerre de Louis Barthas 1914-1918

Le tonnelier de Peyriac-Minervois


Louis Barthas tonnelier 1914-1918 à Peyriac-Minervois dans l'Aude.

Louis Barthas est un tonnelier, militant socialiste et syndicaliste, ancien combattant de la Grande Guerre.

En 1914, Louis BARTHAS a 35 ans : tonnelier dans son village du Minervois de Peyriac-Minervois, il est mobilisé comme caporal au 80e d’infanterie basé à Narbonne.

Louis BARTHAS passera toute la guerre au front : les périodes de repos sont prises à quelques kilomètres en arrière des lignes, éclaircies de rares permissions.

Son régiment, jusqu’à sa dissolution, fait partie de ces unités rurales qui nourrissent de chair à canon les grandes opérations. Il connaîtra la Somme, l’Argonne, Verdun, l’offensive allemande de 1918 : l’horreur, l’accoutumance, la révolte : la boue avec les rats et les poux, les attaques criminelles par leur impréparation, les absurdités du commandement.

Louis BARTHAS n’avait que le certificat d’études. Socialiste au pays de Jaurès, syndicaliste, il avait participé à la création du syndicat des ouvriers agricoles à Peyriac. Il écrit dans l’un de ses cahiers : « Je serai toujours fidèle à mes principes de socialiste, d’humanitaire et de vrai chrétien même ».

Au front, il écrit sur n’importe quel papier, sur des feuilles disparates qu’il rapporte maculées de boue, rongées par les rats. Il envoie en même temps de très nombreuses lettres et cartes postales à sa femme et à ses enfants. Tout cela lui sert à consigner, dès 1919, son journal sur dix-neuf cahiers, consacrant son travail du soir à apporter son témoignage.

Certes, les témoignages sur la « Grande Guerre » abondent, mais ceux d’un soldat du rang sont extrêmement rares ; plus rares encore ceux qui portent sur une présence au front d’une telle durée et qui ont été rédigés immédiatement, et non avec le recul du souvenir. Aucune déformation, aucun désir d’effets littéraires :

C’est, vécue par l’un d’eux, la vie quotidienne de ces travailleurs manuels : la petite cellule humaine, cette communauté transplantée directement du canton et reconstituée au sein de l’escouade. « L’escouade minervoise », dont les officiers, sergents mêmes sont exclus. C’est en cela que le témoignage de Louis BARTHAS est complet, unique, irremplaçable.

Edition de La Découverte

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Louis Barthas

Né le 14 juillet 1879 à Homps (Aude)
Mort le 4 mai 1952 à Peyriac-Minervois (Aude).

Archives départementales de l'Aude

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Présentation des textes du journal qui ont été utilisés pour les illustrations

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N° du Dessin : 1

Date de création le  : vendredi 25 juillet 2014 à 18:11 h à Aragon

Chapitre et page dans Carnet de guerre

Page 13, vie de dépôt

NARBONNE ! c’est ma première nuit recroquevillée dans le confessionnal de l’église des Capucins où nous étions empilés.

NARBONNE ! c’est la multitude de soldats emplissant les hôtels, les cafés et remplissant aussi la bourse des traitants.

NARBONNE c’est le 7 août le départ du 80e régiment de ligne pour la frontière et le 13 le départ aussi du 280e régiment de réserve, tous deux au milieu d’un enthousiasme indescriptible.

Dans la nuit du 12 au 13 ce fut également le 125e régiment territorial qui partit pour le Maroc.



N° du Dessin : 2

Date de création le  : mardi 29 juillet 2014 à 1:03 h à Aragon

Chapitre et page dans Carnet de guerre

Page 17, vie de dépôt

Il est vrai qu’au cantonnement les puces s’y étaient multipliées depuis notre arrivée avec une telle rapidité qu’il fallait se résoudre à coucher parfois sous les sapins du jardin, au risque d’attraper quelques coryza ou torticolis.

Le service à la gare était plus intéressant à cause de la variété de spectacles qu’offrait une grande gare aux premiers mois de la guerre. Les trains se succédaient sans interruption, trains de rapatriés italiens, de réfugiés, de matériel, de chevaux et de troupes qui fleurissaient leurs wagons comme s’ils allaient à une fête, ces inconscients.



N° du Dessin : 3

Date de création le  : mercredi 30 juillet 2014 à 21:13 h à Aragon

Chapitre et page dans Carnet de guerre

Page 19, vie de dépôt

D’ailleurs la curiosité de la foule était distraite par d’autres spectacles variés. Ce fut d’abord l’arrêt pendant quelques jours à Narbonne d’une magnifique division algérienne. On ne se lassait pas d’admirer la tenue, les défilés, le parades de ces zouaves, de ces tirailleurs si fiers si crânes dans leur tenue si originale.

Quelle différence avec nous, affublés de capotes trop grandes ou trop courtes, de vieux pantalons rapiécés, de képis déformés, il y avait de quoi être humiliés et jaloux ! Tous les regards des Narbonnais étaient pour ces Africains.



N° du Dessin : 4

Date de création le  : jeudi 31 juillet 2014 à 21:49 h à Aragon

Chapitre et page dans Carnet de guerre

Page 21, vie de dépôt

Leur plat de résistance était de la viande de chèvre. Ils abattaient eux-mêmes ces animaux à la gare, mais avant de les tuer il fallait que des prêtres les bénissent, les consacrent, ce qui comportait forcément des prières, génuflexions et bénédictions.

Ils se nourrissaient également de graines, dont je goûtai à quelques-unes ; elles n’avaient rien de bien savoureux.

Le repas terminé ils allumaient une grande pipe qu’on aurait pu appeler la pipe de l’escouade, car dans chaque groupe les hommes en tiraient chacun quelques bouffées et la faisaient circuler fraternellement à leur voisin.



N° du Dessin : 5

Date de création le  : samedi 2 août 2014 à 21:48 h à Aragon

Chapitre et page dans Carnet de guerre

Page21, Mont-Louis. Incidents de voyage

Le marsouin brutal. Accueil des Catalans. Les joyeux. 

Le major germanophobe. Puycerda.

À midi nous descendîmes à la gare de la Cabanasse qui dessert le village de Mont-Louis, perché au sommet d’une rude et longue côte qui semblait monter à l’assaut des nuages.

Mont-Louis est lui-même dominé par de hautes montagnes, d’ou l’on doit jouir d’un panorama grandiose, mais je n’en fît jamais, l’ascension, mes jambes  

S’effrayant d’une escalade de plusieurs heures. Au-dessous je me contentai de jouir du panorama qui se déroule autour. Au — dessous de la forteresse au fond d’une vallée profonde coule la Têt qui dégringole tumultueusement parmi des rochers,, puis de l’autre côté des cascades l’unique route qui va en Espagne de ce côté des Pyrénées.

Cette forteresse avait été construite par Vauban et jusque dans ses moindres détails on devinait l’art, le génie qui en avaient guidé l’aménagement avant l’invention de l’artillerie destructive qu’a révélée cette guerre. Mont-Louis était une place forte redoutable, imprenable de vive force.



N° du Dessin : 6

Date de création le  : dimanche 3 août 2014 à 21:28 h à Aragon

Chapitre et page dans Carnet de guerre

Page 28, Mont-Louis. Incidents de voyage

Le marsouin brutal. Accueil des Catalans. Les joyeux.

Le major germanophobe. Puycerda. 

Du col de la Perche à flanc de montagne et à la lisière d’un bois on aperçoit le somptueux hôtel de Font-Romeu construit par la Compagnie de chemins de fer du Midi.

Les capitalistes peuvent y venir respirer un air extra-pur qui ferait plus de bien aux familles de prolétaires entassés dans les réduits sans air des villes, mais pour pouvoir venir villégiaturer dans cet hôtel pourvu de tout le confort et le superflu moderne il faut avoir le gousset bien garni et pouvoir vivre, jouir, s’engraisser, s’amuser à la sueur des autres.



N° du Dessin : 7

Date de création le  : jeudi 7 août 2014 à 7:03 h à Neuvy sur Barangeon

Chapitre et page dans Carnet de guerre

Page 39, Suprême adieu. Départ au front.

L’arrivée au 280e régiment d’infanterie.

Triste journée que celle-là, je vivrais mille ans que je n’en oublierais pas les moindres souvenirs, les plus petits détails.

Ma femme avait tenu à venir à Narbonne et rester avec moi jusqu’à la dernière minute, emmenant avec elle mon plus jeune fils de six ans, mon cher petit André. Par commisération, on avait toléré que les femmes dont les maris allaient partir restassent dans la cour jusqu’au dernier moment.

Voici l’heure fatale, le clairon sonne le rassemblement, l’appel, j’embrasse ceux que j’aime une dernière fois, je les presse sur mon cœur et j’ordonne à mon épouse de partir, de disparaître, de ne pas chercher à me revoir à la gare : cela m’ôterait, lui dis-je, le peu de courage qui me reste.

Trop émue pour me répondre, elle s’en va lentement, tirant par le bras mon enfant qui semble comprendre la gravité de cette séparation et pousse un cri déchirant : « Papa ! »

Comme il me bouleversa dans tout mon être ce cri du sang, ce cri de la nature ! Pauvre petit ! te reverrai-je jamais, me demandais-je brisé.



N° du Dessin : 8

Date de création le  : jeudi 7 août 2014 à 14h10h à Neuvy sur Barangeon

Chapitre et page dans Carnet de guerre

Page 45, Suprême adieu. Départ au front.


L’arrivée au 280e régiment d’infanterie.

« Tu ne vois donc pas que nous enterrons les morts du dernier assaut » me répondit une voix rude.

Cette réponse me fit frissonner d’effroi de penser qu’il y avait des morts autour de moi et qu’on les enterrait ainsi avec quelques pelletées de terre dessus.

À quelques centaines de mètres sur la droite, on voyait une lueur d’incendie éclairant le paysage d’une clarté lugubre. C’était une de meule de gerbes que les Allemands faisaient flamber pour s’éclairer, l’emploi des fusées ne s’étant pas encore généralisé.

Au petit jour, on nous apporta un quart de café à a glace, un bout de viande sèche et du pain maculé de boue. C’était là tout notre menu pour la journée.



N° du Dessin : 9

Date de création le  : vendredi 8 août 2014 à 7:19 h à Neuvy sur Barangeon

Chapitre et page dans Carnet de guerre

Page 50, Suprême adieu. Départ au front.


L’arrivée au 280e régiment d’infanterie.

Cette nuit nous parut interminable. Enfin le jour parut, il nous semblait être délivré d’un danger terrible. Mais un autre ennemi survint, la pluie, contre laquelle celle-là nous étions sans défense : on n’avait même pas encore de toiles de tentes !

Ce n’était pas une pluie fine, tranquille, une bonne pluie d’hiver, comme on dit chez nous, mais une pluie battante, cinglante à grosses gouttes d’orage, à croire que Dieu déclenchait un second déluge pour éteindre la folie de ses créatures.

Avec l’ami Courtade, nous achevâmes de déterrer une capote allemande maculée de sang coagulé et, la plaçant sur deux fusils brisés posés en travers sur la tranchée, nous nous fîmes un abri qui fit des envieux ; précaire abri cependant au toit fragile d’où dégoulinèrent bientôt de multiples gouttières, de gouttes d’eau brunâtre-rougeâtre qui lentement de la capote sanglante détrempée tombaient sur nos mains, dans notre cou, sur nos vêtements.



N° du Dessin : 10

Date de création le  : vendredi 8 août 2014 à 15:01 h à Neuvy sur Barangeon

Chapitre et page dans Carnet de guerre

Page 54, La prise de Vermelles. 1er-7 décembre 1914


Le capitaine Hudelle avait déjà fait transporter une grande quantité de rondins de la mine d’Annequin qui avait servi à édifier des abris individuels et d’autres assez grands pour loger une escouade.

Le capitaine lui-même le lendemain me fit voir toutes les améliorations qu’il avait l intelligemment pratiqués dans son secteur.

Au cours de cette promenade, il me désigna une tranchée abandonnée. « Regarde », me dit-il.

Je regardai les yeux écarquillés d’horreur un lugubre tableau : sur les flancs de cette tranchée, mis à nu par les glissements de terre apparaissaient des crânes, des pieds, des tibias, des mains décharnées, parmi des loques, des sacs déchiquetés et autres débris informes. 

« Mais c’est un charnier, cela » fis-je en me reculant d’épouvante. 



N° du Dessin : 11

Date de création le  : vendredi 6 février 2015 à 7:56 h à Paris

Chapitre et page dans Carnet de guerre

Page 86, Premier Noël de guerre. Maudit mois de janvier.


Bataille de Béthune

Le1er janvier 1915, à six heures du soir, nous revînmes à Annequin après dix-sept jours de tranchée pendant lesquels on n’avait pu ni se débarbouiller ni se décrasser les mains une seule fois.

Nous venions à ce village pour deux jours seulement ; on n’avait pas même le temps de laver son linge, les deux jours passèrent en distributions, revues, rassemblements. Nous nous demandions avec effroi si cette vie répugnante allait durer encore longtemps.

Pendant ces deux jours, nous fîmes cependant bombance, on but et on mangea ce que les Narbonnais avaient eu la générosité de nous envoyer à l’occasion du 1er de l’an. Mais le 2 janvier il fallut reprendre le chemin boueux inconfortable tranchées.

Ce que fut ce mois de janvier, ce que nous souffrîmes, je ne tenterai pas de le décrire, je n’aurai jamais supposé que le corps humain pût résister à de telles épreuves. Presque chaque matin gelée blanche ou gelée sèche qui faisaient pendre des stalactites de glace à nos barbes et moustaches et frigorifiaient nos pieds, puis dans la journée ou la nuit la température s’adoucissait et la pluie tombait, parfois en trombe, emplissant d’eau et de boue nos tranchées transformées en torrents, en canaux d’arrosage ; il y en avait pour souhaiter de devenir grenouilles.




N° du Dessin : 12

Date de création le  : samedi 7 février 2015 à 7h33h à Paris

Chapitre et page dans Carnet de guerre

Page 101, 280e régiment, 1915


Adieu les Anglais ! Adieu Annequin !

Noeux — Mines, Mazingarbe

Bientôt après, nous passâmes à Annequin endormi ; certaines Annequinoises se seraient peut-être réveillées si elles avaient su notre passage ; la réconciliation était maintenant complète, soldats et civils se connaissaient tous ; des intimités, des amitiés s’étaient créées, des idylles s’étaient ébauchées nouées et même dénouées de diverses manières, certaines même devant Monsieur le Maire en légitimes noces. 



N° du Dessin : 13

Date de création le  : jeudi 14 mai 2015 à 20:40 h à Aragon

Chapitre et page dans Carnet de guerre

Page 102, 280e régiment, 1915


Adieu les Anglais ! Adieu Annequin !

Noeux — les Mines, Mazingarbe

Je ne voudrais pas dire que dans le Nord on a moins qu’ailleurs le culte des morts, mais à voir des cimetières entourés d’une mauvaise haie, ou même de rien du tout, on ne peut se défendre d’une impression de négligence, d’abandon, d’indifférence ; après tout la clôture d’un haut mur peut paraître superflue, les morts ne peuvent pas s’évader, mais il me semble qu’on ne peut voir indifféremment le champ du repos infini à la merci des incursions de chiens, de chats et à la curiosité indiscrète des passants.



N° du Dessin : 14

Date de création le  : samedi 15 août 2015 à 19:48 h à Agde

Chapitre et page dans Carnet de guerre

Page 116, 1915. Secteur de Lorette. Les abris blindés d’Aix-Noulette.


Vision d’épouvante. Massacre de la 21e compagnie.

Mort du commandant Nadaud

À l’entrée d’Aix, nous suivîmes un grand boyau qui nous conduisit à un grand tronçon de route un peu encaissé près du petit village en ruine  de Noulette ; nous devions rester en cet endroit trois jours en réserve, c’était sans doute pour nous habituer aux rugissements des canons, aux relents de chair pourrie, aux grosses mouches empoisonnées, aux poux, aux vers, aux rats, tout ce qui grouille, se repaît, immonde, dans les charniers.

Contre le talus de la route, le génie avait creusé des abris recouverts de plaques de tôle et pouvant contenir une douzaine d’hommes tout au plus, mais il fallut s’entasser une quarantaine.



N° du Dessin : 15

Date de création le  : dimanche 16 août 2015 à 19:15 h à Agde

Chapitre et page dans Carnet de guerre

Page118, 1915. Secteur de Lorette. Les abris blindés d’Aix-Noulette.


Vision d’épouvante. Massacre de la 21e compagnie.

Mort du commandant Nadaud

Avant de partir, j’allai serrer la main au Peyriacois Joseph Jammes qui était à la 22e compagnie, occupant des abris blindés comme les nôtres ; je ne le revis plus, il fut blessé le lendemain.

À neuf heures du soir, nous quittâmes sans grands regrets ce coupe-gorge et les étouffoirs à poux pour aller peut-être dans un endroit pire, mais notre section était disait-on privilégiée, elle allait en réserve. Et tout à coup nous nous trouvâmes dans un bois aux arbres abattus, tordus, déracinés ; au milieu

De ce fouillis inextricable, un semblant de boyau dont parfois la trace se perdait. Soudain une rafale d’obus s’abat sur le bois, c’est un fracas épouvantable ; couchés à terre tremblants de peur, nous croyions que notre dernière heure était venue, d’autant qu’en avant de nous, des plaintes de blessés s’élevèrent. Comme au milieu des plus furieuses tempêtes, des accalmies brusques se produisaient ; pourquoi n’en profitait-on pas pour filer ?




N° du Dessin : 16

Date de création le  : lundi 17 août 2015 à 14:08 h à Agde

Chapitre et page dans Carnet de guerre

Page 126, 1915. Secteur de Lorette. Les abris blindés d’Aix-Noulette.


Vision d’épouvante. Massacre de la 21e compagnie.

Mort du commandant Nadaud

« Il n’y a donc ici que des morts ! » m’exclamai-je. Rebroussant chemin, je me dirigeai sur la droite où enfin je trouvais des vivants hâves, les yeux hagards, accroupis les uns contre les autres par groupes de trois ou quatre comme des bêtes apeurées, muets, ne surveillant même pas. Ils semblaient indifférents au déchaînement formidable de la canonnade qui ne cessait pas.

Mais qu’est cela ? L’enfer s’ouvre-t-il sous nos pas ? Sommes-nous la lèvre d’un 

Volcan en furie ? La tranchée se remplit de flammes, d’étincelles, de fumée âcre, l’air est irrespirable ; j’entends des sifflements, des craquements, hélas ! j’entends aussi des hurlements de douleur. Le sergent Vergès a les yeux brûlés, à mes pieds deux malheureux se roulent à terre, leurs habits, leurs mains, leur figure flambent, on dirait des torches vivantes.



N° du Dessin : 17

Date de création le  : lundi 17 août 2015 à 21:30 h à Agde

Chapitre et page dans Carnet de guerre

Page 127, 1915. Secteur de Lorette. Les abris blindés d’Aix-Noulette.


Vision d’épouvante. Massacre de la 21e compagnie.

Mort du commandant Nadaud

Nous avons plusieurs blessés par des grenades ; le soldat Rives vient d’avoir la tête quasiment enlevée par l’une d’elles.

(Rives, cantonnier au Mas-Cabardès.)



N° du Dessin : 18

Date de création le  : mardi 1 septembre 2015 à 17:28 h à Aragon

Chapitre et page dans Carnet de guerre

Page 128, 1915. Secteur de Lorette. Les abris blindés d’Aix-Noulette.


Vision d’épouvante. Massacre de la 21e compagnie.

Mort du commandant Nadaud

Le major n’en voulut pas savoir davantage et, pressant les brancardiers de partir, je ne suis pas sûr qu’il les attendit. Il m’avait demandé un homme pour maintenir le blessé, je lui désignai Gabriel Gils, le plus fort de l’escouade, et tout bas à ce dernier je dis : « Ne te presse pas de revenir, cale-toi dans quelque trou ; pourvu que tu sois ici au jour, cela suffit. » Et en effet, il ne reparut pas jusqu’à l’aube. Quant au commandant, il mourut le lendemain.

« Bon débarras » fut son oraison funèbre.



N° du Dessin : 19

Date de création le  : mercredi 2 septembre 2015 à 11:53 h à Aragon

Chapitre et page dans Carnet de guerre

Page 147, La guerre maudite


Le charnier de Lorette

L’hécatombe du 25 septembre 1915

Le caporal Marty se sentant mieux me pria de me reposer et prit la garde avec mon escouade ; à l’endroit le plus large du boyau, je m’allongeai et je m’endormis d’un sommeil réparateur, insensible aux coups de pieds des passants, lorsque soudain je fus réveillé en sursaut par une explosion terrible suivie de cris et de plaintes.

Dans la tranchée remplie de fumée, un homme s’enfuyait les bras levés, gémissant, puis s’affaissait à quelques pas de moi.

C’était le caporal Marty. « Secourez-moi, ne m’abandonnez pas », criait-il. Je me précipite vers lui ; à la lueur d’une lampe électrique que me tient un camarade, avec un couteau très coupant, je déchire sa capote, sa chemise, mettant à nu une horrible plaie au flanc gauche par où le sang coulait à flots.

Avec un sang-froid dont je ne me serais jamais cru capable, je fis un pansement qui arrêta pour l’instant l’hémorragie.



N° du Dessin : 20

Date de création le  : mercredi 2 septembre 2015 à 13:59 h à Aragon

Chapitre et page dans Carnet de guerre

Page 168, La guerre maudite


Le charnier de Lorette

L’hécatombe du 25 septembre 1915

Et la nuit arriva ! On ne prendrait pas l’apéritif à Douai comme on nous l’avait promis, mais en revanche on prendrait gratis quelques bonnes douches, car toute la nuit une pluie froide tomba en averses torrentielles et pas le moindre abri pour s’y blottir ; il fallut se résigner à se laisser tremper jusqu’à la chemise.

Ah ! il faut avoir vécu des nuits pareilles pour apprécier ce qu’est, l’hiver, une pièce éclairée, un bon feu, un lit chaud et douillet. Ah ! que ces choses en imagination nous paraissaient enviables, chimériques, fabuleuses !



N° du Dessin : 21

Date de création le  : lundi 3 octobre 2016 à 6:17 h à Aragon

Chapitre et page dans Carnet de guerre

Page 210, Secteur de Neuville-Saint-Vaast


15 novembre 1915 -29 février 1916

La veille et l’avant veille, il était tombé des averses torrentielles. Inutile de dépeindre dans quel état se trouvaient les boyaux.

Quelles étapes douloureuses ces pénibles relèves .Jésus tomba trois fois en gravissant les étapes de son calvaire. Combien de fois nous tombions, glissions, trébuchions dans ces boyaux changés en cloaques d’eau et de boue !



N° du Dessin : 22

Date de création le  : mardi 4 octobre 2016 à 20:35 h à Aragon

Chapitre et page dans Carnet de guerre

Page 212, Secteur de Neuville-Saint-Vaast


15 novembre 1915 -29 février 1916

Maintenant plus de lieux habités. Silence. Solitude et ténèbres.

Nous sommes engagés dans le boyau Mercier. La pluie redouble, on avance de plus en plus difficilement, un pas chaque cinq minutes pour s’arrêter bientôt complètement.

On apprend avec angoisse que de nombreux soldats de la compagnie qui nous précède sont englués dans la boue ; on ne sait combien de temps on va rester ainsi.

Tout d’un coup, on entend des rires, des chants, des propos joyeux. Stupéfaits, nous nous apercevons que nous sommes devant l’abri de notre capitaine et des officiers de la compagnie.

Notre détresse les laissait bien indifférents.



N° du Dessin : 23

Date de création le  : mercredi 5 octobre 2016 à 7:11 h à Aragon

Chapitre et page dans Carnet de guerre

Page 213, Secteur de Neuville-Saint-Vaast


15 novembre 1915 -29 février 1916

Enfin nous finîmes par arriver à l’endroit où ceux qui nous précédaient étaient passés si difficilement. On y avait abandonné un malheureux qu’on n’avait pu dégager. Nous fîmes en vain quelques efforts pour le tirer de là, nous lui aurions plutôt arraché bras et jambes ; voyant que nous l’abandonnions il nous suppliait de l’achever d’un coup de fusil pour abréger son agonie.

Nous lui promîmes de venir le prendre au matin et nous lui laissâmes une pelle pour qu’il essayât de se sauver.

Pendant que nous tentions de dégager ce malheureux, les camarades de l’escouade précédente avaient disparu ; on les appela, pas de réponse. Sont-ils déjà si loin que ça, ne sont-ils point noyés ?

Personne n’osait passer le premier, c’est qu’il était effrayant ce sombre boyau transformé en canal. On entendait des masses de terre s’écrouler dans l’eau. Néanmoins, on ne pouvait passer la nuit ainsi. Il fallait atteindre l’abri.



N° du Dessin : 24

Date de création le  : vendredi 7 octobre 2016 à 21:09 h à Aragon

Chapitre et page dans Carnet de guerre

Page 215, Secteur de Neuville-Saint-Vaast.


L’abri Mercier. Fraternité humaine.

Le déserteur Gontran

Français et Allemands se regardèrent, virent qu’ils étaient des hommes tous pareils. Ils se sourirent, des propos s’échangèrent, des mains se tendirent et s’étreignirent, on se partagea le tabac, un quart de jus ou de pinard.

Ah ! si on avait parlé la même langue !

Un jour un grand diable d’allemand monta sur un monticule et fit un discours dont les Allemands seuls saisirent les paroles, mais dont tout le monde avait compris le sens, car il brisa sur un tronc d’arbre son fusil en deux tronçons dans un geste e colère. Des applaudissements éclatèrent de part et d’autre et l’internationale retentit.

Ah ! que n’étiez-vous là, rois déments, généraux sanguinaires, ministres jusqu’au-boutistes, journalistes hurleurs de mort, patriotards de l’arrière, pour contempler ce sublime spectacle !

Mais il ne suffisait pas que les soldats refusassent de se battre, il fallait qu’ils se retournent vers les monstres qui les poussaient les uns contre les autres et les abattre comme des bêtes fauves. Pour ne pas l’avoir fait, combien de temps la tuerie 

allait-elle durer encore ?



N° du Dessin : 25

Date de création le  : samedi 8 octobre 2016 à 10:59 h à Aragon

Chapitre et page dans Carnet de guerre

Page 216, Secteur de Neuville-Saint-Vaast.


L’abri Mercier. Fraternité humaine.

Le déserteur Gontran

Cependant, en dépit d’ordres féroces, on continua surtout aux petits-postes à familiariser entre Français et Allemands ; à la 24e compagnie, le soldat Gontran, de Caunes-Minervois, rendait même visite à la tranchée boche.

Il avait fait la connaissance du capitaine allemand, bon père de famille qui lui demandait des nouvelles des siens et lui donnait toujours quelques cigarettes.

Quand Gontran prolongeait trop sa visite, le capitaine le poussait hors de la tranchée en lui disant :  « Allons, va-t’en maintenant ! » 

Malheureusement pour Gontran, un jour qu’il revenait de la tranchée allemande il fut aperçu par un officier de sa compagnie et quel officier ! le lieutenant Grulois, 

« Gueule de Bois » qui lui dit :  « Je vous y prends, vous serez fusillé demain. Qu’on arrête cet homme. » 

Personne ne bougea, les hommes regardaient stupides cette scène. Gontran affolé par cette menace de l’officier escalada le talus de la tranchée en lui criant :  « Béni m équerré » (En occitan :  « Viens me chercher ») Et en quelques enjambées il fut à la tranchée ennemie d’où il ne revint plus.




N° du Dessin : 26

Date de création le  : lundi 24 octobre 2016 à 18:52 h à Aragon

Chapitre et page dans Carnet de guerre

Page 226, Artois, 1916


Première permission. Le retour. Hautvillers

Le 10 janvier à deux heures du matin, je me rendis avec une douzaine d’autres permissionnaires à huit kilomètres de Queux prendre le train à la gare d’Auxi-le-Château.

Le lendemain, à dix heures du soir, je sautai sur le quai de la gare de Moux ; j’aspirai avec délice l’air natal ; à la vérité cet air était une bise âpre et froide qui soufflait du côté de la montagne Noire. Elle me parut plus douce que la plus légère brise d’été.

Sombre était le ciel, bien noire était la nuit, boueuse la route, mais jamais promenade ne me parut plus exquise que les quinze kilomètres que je dus parcourir pour atteindre mon village. 



N° du Dessin : 27

Date de création le  : lundi 24 octobre 2016 à 20:48 h à Aragon

Chapitre et page dans Carnet de guerre

Page 236, Artois, 1916


Bailleul-les-Cornouialles (Pas-de-Calais).

Le vol de poules et de canards.

Le portefeuille du caporal d’ordinaire

Mon escouade dut se contenter faute de mieux de s’abriter dans une masure dont le toit avait dégringolé aux trois quarts.

Nous dûmes dans la nuit, sous l’angle du toit qui tenait encore je ne sais comment, nous faire un abri avec nos toiles de tente. La neige, qui tombait toujours, tombait aussi dans notre abri ; il ne fallait pas songer à nous coucher. Avec quelques poutres, quelques planches arrachées de dessous les décombres nous allumâmes un bon feu, ce qui était un vrai tour de force car le bois était humide et vent et neige s’acharnaient à nous l’éteindre.

De cette lutte d’éléments, le feu triompha et, accroupis autour, nous passâmes la nuit ainsi ; méditant l’ordre du jour paru la veille proclamant que grâce aux dispositions prises les soldats cet hiver ne souffriraient ni du froid ni de la pluie.



N° du Dessin : 28

Date de création le  : lundi 31 octobre 2016 à 11:20 h à Aragon

Chapitre et page dans Carnet de guerre

Page 245, Vers l’enfer de Verdun 29 fevrier-26 avril 1916



En première ligne il y avait quelques abris individuels, quelques galeries de mine ou d’écoute commencées. En dépit du danger permanent d’y être enterrés vivants ou morts par l’explosion d’une mine, les sentinelles, leur garde finie ; se décidèrent à y chercher un refuge.

Le capitaine s’y opposa ; ce fut en vain. Alors furieux il défendit aux hommes de soupe de porter les vivres en première ligne. Les sentinelles furent donc obligées de faire, si elles voulaient manger, le pénible trajet pour aller en deuxième ligne.

On ne se doute pas, je parle pour les profanes - de l’impatience qu’avaient les sentinelles de boire le matin le café et la gniole qui les réchauffaient un peu et il fallait voir la joie se peindre sur les visages à l’apparition de l’homme de soupe d’escouade.

Grâce à la prescription du capitaine, c’était fini. Il attendre la relève tard dans la matinée.

La température, loin de s’améliorer, devenait effroyablement froide ; à des bourrasques de neige succédaient des averses de pluie. Il fallut renoncer à épuiser l’eau des tranchées, il y en avait en certains endroits une hauteur de cinquante à soixante centimètres.



N° du Dessin : 29

Date de création le  : vendredi 4 novembre 2016 à 11:20 h à Aragon

Chapitre et page dans Carnet de guerre

Page 296, 1916. La défense de Verdun. La cote 304


J’étais seul à l’extrémité de notre tronçon de boyau, recroquevillé dans un petit trou, lorsqu’un gros obus s’abattit comme la foudre à trois ou quatre mètres en avant de moi. La violence du déplacement d’air arracha et projeta je ne sais où ma toile de tente que j’avais mise devant mon trou pour me préserver du soleil et des mouches ; quant à moi j’eus l’impression d’être aplati et je restai quelques secondes sans pouvoir soulever ma poitrine vidée d’air. C’était le souffle de la mort que je venais de ressentir. On dit qu’il est glacé, je l’avais trouvé brûlant. Il avait traversé tout mon être depuis mon cerveau comprimé, mon cœur et mes poumons oppressés jusqu’à mes jambes maintenant amollies.



N° du Dessin : 30

Date de création le  : vendredi 4 novembre 2016 à 18:51 h à Aragon

Chapitre et page dans Carnet de guerre

Page 381, L’offensive de la Somme


Dans la boue sanglante

29 août — 1er novembre 1916

Nous finîmes par découvrir au milieu des décombres un orifice, une ouverture sous un coin de maison encore debout. Déjà nous savourions d’avance les quelques heures de repos et de sommeil dont nous avions tant besoin lorsqu’en entrant dans cette espèce de cave nous fûmes presque suffoqués par une odeur insupportable de charogne pourrie.

Horreur ! à la lueur d’une lampe électrique, nous vîmes six cadavres allemands. Ils avaient dans doute été tués par la déflagration de quelque obus énorme, car ils étaient comme pétrifiés et ils étaient dans des poses si naturelles qu’on aurait pu les croire vivants.

Désappointés, désagréablement impressionnés, nous fuîmes ce tombeau.



N° du Dessin : 30B

Date de création le  : samedi 5 novembre 2016 à 19:51 h à Aragon

Chapitre et page dans Carnet de guerre

Page 389, L’offensive de la Somme


Dans la boue sanglante

29 août — 1er novembre 1916

Un peu plus loin un, un soldat allemand ne pouvait sortir de son trou. Un des nôtres y tendit  la main en lui disant : « Allons, monte, fainéant », mais à la surprise du Français l’autre lui répondit en notre langue :   « Je ne suis pas un fainéant, mais toi tu es français et moi allemand. »

Aux abords de la tranchée, on trouva le corps d’un officier ennemi, la tête ensanglantée et à côté une pelle tachée de sang ; on conclut que, ne voulant pas se rendre, ses hommes s’en étaient débarrassés.



N° du Dessin : 31

Date de création le  : samedi 4 février 2017 à 11:19 h à Aragon

Chapitre et page dans Carnet de guerre

Page 406, Dans la boue sanglante de la Somme

1er novembre 1916 – 30 janvier 1917

Un soldat qui passa lorsque nous faisions ce travail nous demanda si nous creusions une fosse.

Devant nos mines étonnées, il nous montra à quelques pas six petits monticules de terre fraîchement remuée et que nous n’avions pas encore aperçue. C’étaient les tombes de six soldats du 296e tués et enterrés la veille. Nous avions creusé notre abri dans le cimetière d’Hardécourt !

Fichu cimetière ! les morts n’y avaient pas dormi en paix leur dernier sommeil ; des obus énormes y avaient émietté, pulvérisé, dispersé les ossements comme en expiation d’un terrible châtiment.



N° du Dessin : 32

Date de création le  : mardi 3 octobre 2017 à 5:49 h à Aragon

Chapitre et page dans Carnet de guerre

Page 409, Dans la boue sanglante de la Somme


1er novembre 1916 – 30 janvier 1917

Prenant canons et munitions sur nos épaules, nous allâmes guidés par Cauneille sur notre gauche rejoindre notre bataillon, tout au moins quelques tranchées. Mais au bout d’une heure de marche, glissant, trébuchant, pataugeant dans l’eau et la boue nous nous arrêtâmes épuisés, ne sachant plus de quel côté nous venions ni où nous nous trouvions ; un brouillard épais rendait la nuit encore plus noire. Que faire ? Errer à tâtons comme des aveugles ? Nous n’en pouvions plus, il n’y avait plus qu’à attendre le jour. Nous nous blottîmes dans un trou d’obus immobiles.

Nous étions trempés de sueur, mais bientôt la brise froide nous fit grelotter et voila que la pluie maintenant succédait au brouillard. Il ne manquait plus que cela !



N° du Dessin : 33

Date de création le  : jeudi 5 octobre 2017 à 6:09 h à Aragon

Chapitre et page dans Carnet de guerre

Page 411, Dans la boue sanglante de la Somme


1er novembre 1916 – 30 janvier 1917

Pendant ces cinq jours, il ne cessa de tomber des averses torrentielles et de la neige 

Les parois des tranchées s’éboulaient, les abris précaires que se creusaient les hommes s’effondraient en certains points. Boyaux et tranchées se remplissaient d’eau

inutile de décrire les souffrances des hommes, sans abris, mouillés, transis de froid, mal ravitaillés, aucune plume ne pourrait raconter. IL faut les avoir vécus pour savoir combien sont interminables les heures, les jours et les nuits surtout dans de tels moments ;

Soit au cours de corvées, la nuit, ou de relèves, des hommes glissèrent dans des trous d’obus pleins d’eau d’où ils ne purent se tirer et y moururent de froid ou noyés les mains agrippées au bord des trous dans un suprême effort pour se dégager.



N° du Dessin : 34

Date de création le  : vendredi 20 octobre 2017 à 20:49 h à Aragon

Chapitre et page dans Carnet de guerre

Page 412, Dans la boue sanglante de la Somme


1er novembre 1916 – 30 janvier 1917

Nous gardâmes une journée un brancardier qui vint s’échouer à notre abri après avoir pris un bain complet dans un grand trou d’obus et il  s’estimait encore très heureux d’avoir pu s’en tirer par ses propres moyens. Nous le fîmes déshabiller, il s’enveloppa dans nos couvertures et la nuit venue sur le palier de l’escalier nous allumâmes un bon feu où ses vêtements purent sécher.



N° du Dessin : 35

Date de création le  : vendredi 27 octobre 2017 à 9:41 h à Aragon

Chapitre et page dans Carnet de guerre

Page 413, Dans la boue sanglante de la Somme


1er novembre 1916 – 30 janvier 1917

Nous passâmes la nuit sous une grande tente appelée « marabout ». On en avait dressé un grand nombre, abri fragile contre le froid, encore moins contre les obus, mais suffisant contre la pluie, l’ humidité de la nuit et la bise.



N° du Dessin : 36

Date de création le  : vendredi 27 octobre 2017 à 12:10 h à Aragon

Chapitre et page dans Carnet de guerre

Page 422, 296e régiment d’infanterie, 1916


Briquemesnil. Aumale. Morvillers.

Troisième permission. Valmy

Malheureusement, en ce moment, il y avait crise du verre et dans les trains beaucoup de vitres n’avaient que le cadre. On comprend que les quelques compartiments restés disponibles étaient ceux où il n’y avait plus un seul carreau. Cela promettait une aération plutôt exagérée, surtout avec une température e plusieurs degrés au — dessous de zéro, mais quand on allait en permission on semblait pris de folie, on était indifférent à tout. Pour partir plus vite on serait monté sur le toit des wagons.

Naturellement les wagons n’étaient pas chauffés, il fallait économiser le charbon. Mais tout endurci que soit notre épiderme nous faillîmes nous geler cette longue nuit de janvier, grelottant blottis dans les coins, serrés les uns contre les autres.



N° du Dessin : 37

Date de création le  : dimanche 5 novembre 2017 à 12:50 h à Aragon

Chapitre et page dans Carnet de guerre

Page 430, Le 296e régiment de Béziers en Champagne


30 janvier -26 avril 1917

Nous gravîmes cette hauteur par un boyau, nous le dégringolâmes du côté opposé et nous nous trouvâmes au pied d’une autre colline « l’Index, un des doigts de la fameuse Main de Massiges dont les ravins qui les séparent sont peuplés de cimetières où dorment de leur dernier sommeil tant de gars du Midi, rançon de la fameuse victoire de Champagne en septembre 1915.



N° du Dessin : 38

Date de création le  : dimanche 5 novembre 2017 à 18:27 h à Aragon

Chapitre et page dans Carnet de guerre

Page 440, “L’Index.”   “La Demi-Lune”

Page 440, “L’Index.”   “La Demi-Lune”

Devant le village séparant les lignes adverses se trouvait le calvaire avec encore debout un grand Christ et une statue de la Vierge.

Quel symbole !entre les combattants ce Christ déchiqueté par les balles et cette Vierge meurtrie semblaient dressés là comme une muette et tragique protestation.



N° du Dessin : 39

Date de création le  : lundi 6 novembre 2017 à 21:53 h à Aragon

Chapitre et page dans Carnet de guerre

Page 450, Relevé du secteur de Ville-sur-Tourbe.


LE 296e régiment, après plusieurs étapes, vient cantonner quelques jours à Aulnay-sur-Marne. Destinations inconnues. Isse. Vaudemange.

L’offensive du 16 avril 1917

Après avoir parcouru quelques kilomètres sur une bonne route, nous suivîmes un chemin à travers champ avec des ornières pleines de boue où nos caissons s’embourbaient, où nos mulets glissaient, trébuchaient ; la pluie ne s’arrêtant pas de tomber, nos pieds clapotaient dans nos souliers pleins d’eau.

Enfin à quatre heures du matin, la nuit commença à pâlir et on nous arrêta dans un bois un peu en arrière d’un groupe de batterie lourde.

En ce moment la pluie cessa pour faire place à la neige qui tomba en flocons gros comme je n’en avais jamais vu de ma vie.

Une avalanche de neige le 17 avril ! alors que dans notre Midi les arbres ont déjà fleuri et que les vignes étalent leur mer de verdure !



N° du Dessin : 40

Date de création le  : mercredi 22 novembre 2017 à 20:22 h à Aragon

Chapitre et page dans Carnet de guerre

Page 465, L’assommoir du mont Cornillet


Le 296e régiment en Argonne

26 avril — 1er juillet 1917

40 Quand nous fûmes arrivés près de lisière, nous nous arrêtâmes épouvantés : des obus énormes, monstrueux, plus terribles que la foudre, sapaient, brisaient décapitaient des arbres géants, centenaires ; nous en vîmes d’arrachés, de déracinés tordus comme par un violent cyclone.

La forêt entière semblait se plaindre, gémir, craquer comme sous les coups de cognée d’un Titan.






 




Fabreal 31 octobre 2024
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Eugénie de Guérin, illustrations inspirées
Journal croisé E de Guérin / A Fabreal