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La légende de Saint Julien L'hospitalierPeindre.

Dessins librement inspirés du conte de G Flaubert

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La légende de Saint Julien L'hospitalier de Gustave FLAUBERT


Gustave Flaubert (1821/1880) Né le 12 décembre 1821 à Rouen où son père, chirurgien, dirige l’Hôtel-Dieu. La famille paternelle est d’origine champenoise, la maternelle, normande. En 1832, il entre dans la classe de huitième au Collège Royal de Rouen, où il poursuit ses études normales. Entre 1834 et 1837, les travaux de rédaction scolaire sont déjà un début littéraire précoce.

En 1836, il rencontre Mme Schlésinger qui a été l’amour de toute sa vie. Quelques rose années plus tard, entre 1841 et 1843, il étudie le droit à Paris avec peu de goût et d’assiduité. En janvier 1844, il met fin à ses études ainsi qu’à sa vie parisienne, à cause d’une crise nerveuse épileptiforme.

 Le 7 janvier 1845, il achève la première Éducation Sentimentale, qui ne paraîtra que trente ans après sa mort. En février 1846, il commence une liaison orageuse avec Louise Colet qui termine huit ans plus tard. Il compose la première version de La Tentation de Saint Antoine en 1848.

Pendant deux ans, il entreprend un voyage en Orient : Égypte, Palestine, Syrie, Liban, Asie Mineure, Constantinople, Grèce et Italie. À son retour à Paris, il rédige Madame Bovary, publié en avril 1857.

Une année plus tard, il part en Tunisie pour préparer Salammbô qu’il achève en 1862. En 1866, pendant son voyage en Angleterre, il est nommé chevalier de la Légion d’honneur. De nouveau à Paris, il doit, en 1875, à cause de sa situation financière, renoncer à son appartement et va se réfugier à Concarneau où il commence La Légende de Saint Julien l’Hospitalier.

Les années suivantes, il compose Un Cœur Simple et Hérodias. Ces trois récits sont publiés sous le titre de Trois Contes en 1877. En 1880, il meurt le 8 mai d’une hémorragie cérébrale. Il est enterré le 11 à Rouen

« Tu assassineras ton père et ta mère... »

Le conte est inspiré par un vitrail de la cathédrale de Rouen. Il s’agit de l’histoire de saint Julien.

 La Légende de Saint Julien l’Hospitalier est avec Un Cœur Simple et Hérodias un recueil intitulé Trois Contes, parus d’abord en feuilleton dans la presse et ensuite en librairie, en avril 1877.



Gustave Flaubert

Né le 12 décembre 1821 à Rouen

mort à Croisset, lieu-dit de la commune de Canteleu, le 8 mai 1880

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Présentation des textes du journal qui ont été utilisés pour les illustrations

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Dessin N°1

Dessin réalisé :

Le Mardi 2/11/2021 à 6:31:00 AM, à Dresde.


Page 1, Chapitre 1

Le père et la mère de Julien habitaient un château, au milieu des bois, sur la pente d’une colline.

Les quatre tours aux angles avaient des toits pointus recouverts d’écailles de plomb, et la base des murs s’appuyait sur les quartiers de rocs, qui dévalaient abruptement jusqu’au fond des douves. Les pavés de la cour étaient nets comme le dallage d’une église. De longues gouttières, figurant des dragons la gueule en bas, crachaient l’eau des pluies vers la citerne ; et sur le bord des fenêtres, à tous les étages, dans un pot d’argile peinte, un basilic ou un héliotrope s’épanouissait.

Une seconde enceinte, faite de pieux, comprenait d’abord un verger d’arbres à fruits, ensuite un parterre où des combinaisons de fleurs dessinaient des chiffres, puis une treille avec des berceaux pour prendre le frais et un jeu de mail qui servait au divertissement des pages




Dessin N°2

Dessin réalisé :

Le Mardi 2/11/2021 à 7:20:00 AM, à Dresde.


Page 1, Chapitre 1

De l’autre côté se trouvaient le chenil, les écuries, la boulangerie, le pressoir et les granges. Un pâturage de gazon vert se développait tout autour, enclos lui-même d’une forte haie d’épines.

On vivait en paix depuis si longtemps que la herse ne s’abaissait plus ; les fossés étaient pleins d’herbes ; des hirondelles faisaient leur nid dans la fente des créneaux ; et l’archer, qui tout le long du jour se promenait sur la courtine, dès que le soleil brillait trop fort rentrait dans l’échauguette, et s’endormait comme un moine.




Dessin N°3

Dessin réalisé :

Le Mercredi 3/11/2021 à 7:12:00 PM, à Dresde.


Page 2, Chapitre 1

Toujours enveloppé d’une pelisse de renard, il se promenait dans sa maison, rendait la justice à ses vassaux, apaisait les querelles de ses voisins. Pendant l’hiver, il regardait les flocons de neige tomber, ou se faisait lire des histoires. Dès les premiers beaux jours, il s’en allait sur sa mule le long des petits chemins, au bord des blés qui verdoyaient, et causait avec les manants, auxquels il donnait des conseils. Après beaucoup d’aventures, il avait pris pour femme une demoiselle de haut lignage.

Elle était très blanche, un peu fière et sérieuse. Les cornes de son hennin frôlaient le linteau des portes, la queue de sa robe de drap traînait de trois pas derrière elle. Son domestique était réglé comme l’intérieur d’un monastère ; chaque matin elle distribuait la besogne à ses servantes, surveillait les confitures et les onguents, filait à la quenouille ou brodait des nappes d’autel. À force de prier Dieu, il lui vint un fils.




Dessin N°4

Dessin réalisé :

Le Jeudi 4/11/2021 à 10:15:00 PM, à Dresde.


Page 2, Chapitre 1

Elle était très blanche, un peu fière et sérieuse. Les cornes de son hennin frôlaient le linteau des portes, la queue de sa robe de drap traînait de trois pas derrière elle. Son domestique était réglé comme l’intérieur d’un monastère ; chaque matin elle distribuait la besogne à ses servantes, surveillait les confitures et les onguents, filait à la quenouille ou brodait des nappes d’autel. À force de prier Dieu, il lui vint un fils.




Dessin N°5

Dessin réalisé :

Le Vendredi 5/11/2021 à 10:28:00 AM, à Dresde.


Page 3, Chapitre 1

Un soir, elle se réveilla, et elle aperçut, sous un rayon de la lune qui entrait par la fenêtre, comme une ombre mouvante.

C’était un vieillard en froc de bure, avec un chapelet au côté, une besace sur l’épaule, toute l’apparence d’un ermite. Il s’approcha de son chevet et lui dit, sans desserrer les lèvres : “Réjouis-toi, à mère ! ton fils sera un saint !” Elle allait crier ; mais, glissant sur le rai de la lune, il s’éleva dans l’air doucement, puis disparut. Les chants du banquet éclatèrent plus fort. Elle entendit les voix des anges ; et sa tête retomba sur l’oreiller, que dominait un os de martyr dans un cadre d’escarboucles.




Dessin N°6

Dessin réalisé :

Le Samedi 12/2/2022 à 11:28:00 AM, à Aragon.


Page 4, Chapitre 1

Quand il eut sept ans, sa mère lui apprit à chanter.

Pour le rendre courageux, son père le hissa sur un gros cheval. L’enfant souriait d’aise, et ne tarda pas à savoir tout ce qui concerne les destriers. Un vieux moine très savant lui enseigna l’Écriture sainte, la numération des Arabes, les lettres latines, et à faire sur le vélin des peintures mignonnes. Ils travaillaient ensemble, tout en haut d’une tourelle, à l’écart du bruit. La leçon terminée, ils descendaient dans le jardin, où, se promenant pas à pas, ils étudiaient les fleurs.




Dessin N°7

Dessin réalisé :

Le Lundi 18/4/2022 à 8:08:00 AM, à Paris.


Page 5, Chapitre 1

D’autres fois, une troupe de pèlerins frappait à la porte. Leurs habits mouillés fumaient devant l’âtre ; et, quand ils étaient repus, ils racontaient leurs voyages : les erreurs des nefs sur la mer écumeuse, les marches à pied dans les sables brûlants, la férocité des païens, les cavernes de la Syrie, la Crèche et le Sépulcre. Puis ils donnaient au jeune seigneur des coquilles de leur manteau.

Souvent le châtelain festoyait ses vieux compagnons d’armes. Tout en buvant, ils se rappelaient leurs guerres, les assauts des forteresses avec le battement des machines et les prodigieuses blessures. Julien, qui les écoutait, en poussait des cris ; alors son père ne doutait pas qu’il ne fût plus tard un conquérant. Mais le soir, au sortir de l’angélus, quand il passait entre les pauvres inclinés, il puisait dans son escarcelle avec tant de modestie et d’un air si noble que sa mère comptait bien le voir par la suite archevêque.




Dessin N°8

Dessin réalisé :

Le Lundi 18/4/2022 à 9:37:00 PM, à Dresde.


Page 5, Chapitre 1

Sa place dans la chapelle était aux côtés de ses parents ; et, si longs que fussent les offices, il restait à genoux sur son prie-Dieu, la toque par terre et les mains jointes. Un jour, pendant la messe, il aperçut, en relevant la tête ; une petite souris blanche qui sortait d’un trou, dans la muraille. Elle trottina sur la première marche de l’autel, et, après deux ou trois tours de droite et de gauche, s’enfuit du même côté. Le dimanche suivant, l’idée qu’il pourrait la revoir le troubla. Elle revint ; et chaque dimanche il l’attendait, en était importuné, fut pris de haine contre elle, et résolut de s’en défaire.

Ayant donc fermé la porte, et semé sur les marches les miettes d’un gâteau, il se posta devant le trou, une baguette à la main.

Au bout de très longtemps un museau rose parut, puis la souris tout entière. Il frappa un coup léger, et demeura stupéfait devant ce petit corps qui ne bougeait plus. Une goutte de sang tachait la dalle. Il l’essuya bien vite avec sa manche, jeta la souris dehors, et n’en dit rien à personne.




Dessin N°9

Dessin réalisé :

Le Mercredi 20/4/2022 à 8:08:00 AM, à Paris.


Page 6-7, Chapitre 1

Toutes sortes d’oisillons picoraient les graines du jardin. Il imagina de mettre des pois dans un roseau creux. Quand il entendait gazouiller dans un arbre, il en approchait avec douceur, puis levait son tube, enflait ses joues, et les bestioles lui pleuvaient sur les épaules si abondamment qu’il ne pouvait s’empêcher de rire, heureux de sa malice.

Un matin, comme il s’en retournait par la courtine, il vit sur la crête du rempart un gros pigeon qui se rengorgeait au soleil. Julien s’arrêta pour le regarder ; le mur en cet endroit ayant une brèche, un éclat de pierre se rencontra sous ses doigts.

Un matin, comme il s’en retournait par la courtine, il vit sur la crête du rempart un gros pigeon qui se rengorgeait au soleil. Julien s’arrêta pour le regarder ; le mur en cet endroit ayant une brèche, un éclat de pierre se rencontra sous ses doigts.

Il tourna son bras, et la pierre abattit l’oiseau qui tomba d’un bloc dans le fossé.

Il se précipita vers le fond, se déchirant aux broussailles, furetant partout, plus leste qu’un jeune chien.

Le pigeon, les ailes cassées, palpitait, suspendu dans les branches d’un troène.

La persistance de sa vie irrita l’enfant. Il se mit à l’étrangler ; et les convulsions de l’oiseau faisaient battre son cœur, l’emplissaient d’une volupté sauvage et tumultueuse. Au dernier raidissement, il se sentit défaillir.




Dessin N°10

Dessin réalisé :

Le Jeudi 4/11/2021 à 10:15:00 PM, à Le Barroux.


Page 9, Chapitre 1

Il aimait, en sonnant de la trompe, à suivre ses chiens qui couraient sur le versant des collines, sautaient les ruisseaux, remontaient vers le bois ; et, quand le cerf commençait à gémir sous les morsures, il l’abattait prestement, puis se délectait à la furie des mâtins qui le dévoraient, coupé en pièces sur sa peau fumante.




Dessin N°11

Dessin réalisé :

Le Vendredi 5/8/2022 à 2:09:00 PM, à Le Barroux.


Page 9, Chapitre 1

Son genet danois, suivi de deux bassets, en marchant d’un pas égal, faisait résonner la terre. Des gouttes de verglas se collaient à son manteau, une bise violente soufflait. Un côté de l’horizon s’éclaircit ; et, dans la blancheur du crépuscule, il aperçut des lapins sautillant au bord de leurs terriers. Les deux bassets, tout de suite, se précipitèrent sur eux ; et, çà et là, vivement, leur brisaient l’échine.

Bientôt, il entra dans un bois. Au bout d’une branche, un coq de bruyère engourdi par le froid dormait la tête sous l’aile. Julien, d’un revers d’épée, lui faucha les deux pattes, et sans le ramasser continua sa route.

Trois heures après, il se trouva sur la pointe d’une montagne tellement haute que le ciel semblait presque noir.

Devant lui, un rocher pareil à un long mur s’abaissait, en surplombant un précipice ; et, à l’extrémité, deux boucs sauvages regardaient l’abîme.

Comme il n’avait pas ses flèches (car son cheval était resté en arrière), il imagina de descendre jusqu’à eux à demi courbé, pieds nus, il arriva enfin au premier les boucs, et lui enfonça un poignard sous les côtes.

Le second, pris de terreur, sauta dans le vide. Julien s’élança pour le frapper, et, glissant du pied droit, tomba sur le cadavre de l’autre, la face au-dessus de l’abîme et les deux bras écartés.




Dessin N°12

Dessin réalisé :

Le Vendredi 5/8/2022 à 8:54:00 PM, à Paris.


Page 11, Chapitre 1

Puis il s’avança dans une avenue de grands arbres, formant avec leurs cimes comme un arc de triomphe, à l’entrée d’une forêt. Un chevreuil bondit hors d’un fourré, un daim parut dans un carrefour, un blaireau sortit d’un trou, un paon sur le gazon déploya sa queue ; et quand il les eut tous occis, d’autres chevreuils se présentèrent, d’autres daims, d’autres blaireaux, d’autres paons, et des merles, des geais, des putois, des renards, des hérissons, des lynx, une infinité de bêtes, à chaque pas plus nombreuses.

Elles tournaient autour de lui, tremblantes, avec un regard plein de douceur et de supplication.




Dessin N°13

Dessin réalisé :

Le Jeudi 14/5/2015 à 8:40:00 PM, à Aragon.


Page 13, Chapitre 1

La nuit allait venir ; et derrière le bois, dans les intervalles des branches, le ciel était rouge comme une nappe de sang.

Julien s’adossa contre un arbre. Il contemplait d’un œil béant l’énormité du massacre, ne comprenant pas comment il avait pu le faire.

De l’autre côté du vallon, sur le bord de la forêt, il aperçut un cerf, une biche et son faon.

Le cerf, qui était noir et monstrueux de taille, portait seize andouillers avec une barbe blanche. La biche, blonde comme les feuilles mortes, broutait le gazon ; et le faon tacheté, sans l’interrompre dans sa marche, lui tétait la mamelle.

L’arbalète encore une fois ronfla. Le faon, tout de suite, fut tué. Alors sa mère, en regardant le ciel, brama d’une voix profonde, déchirante, humaine.

Julien exaspéré, d’un coup en plein poitrail, l’étendit par terre. , Le grand cerf l’avait vu, fit un bond. Julien lui envoya sa dernière flèche. Elle l’atteignit au front, et y resta plantée. Le grand cerf n’eut pas l’air de la sentir ; en enjambant par-dessus les morts, il avançait toujours, allait fondre sur lui, l’éventrer ; et Julien reculait dans une épouvante indicible. Le prodigieux animal s’arrêta ; et les yeux flamboyants, solennel comme un patriarche et comme un justicier, pendant qu’une cloche au loin tintait, il répéta trois fois : “Maudit ! maudit ! maudit ! Un jour, cœur féroce, tu assassineras ton père et ta mère !” Il plia les genoux, ferma doucement ses paupières, et mourut.




Dessin N°14

Dessin réalisé :

Le Mardi 9/8/2022 à 12:50:00 PM, à Aragon.


Page 14, Chapitre 1

Pour l’atteindre, il fallut une échelle. Julien y monta.

L’épée trop lourde lui échappa des doigts, et en tombant frôla le bon seigneur de si pris que sa houppelande en fut coupée ; Julien crut avoir tué son père, et s’évanouit.

Dès lors, il redouta les armes. L’aspect d’un fer nu le faisait pâlir. Cette faiblesse était une désolation pour sa famille.

Enfin le vieux moine, au nom de Dieu, de l’honneur et des ancêtres, lui commanda de reprendre ses exercices de gentilhomme.

Les écuyers, tous les jours, s’amusaient au maniement de la javeline. Julien y excella bien vite. Il envoyait la sienne dans le goulot des bouteilles, cassait les dents des girouettes, frappait à cent pas les clous des portes.

Un soir d’été, à l’heure où la brume rend les choses indistinctes, étant sous la treille du jardin, il aperçut tout au fond deux ailes blanches qui voletaient à la hauteur de l’espalier. Il ne douta pas que ce ne fût une cigogne ; et il lança son javelot.

Un cri déchirant partit. C’était sa mère, dont le bonnet à longues barbes restait cloué contre le mur.

Julien s’enfuit du château, et ne reparut plus.




Dessin N°15

Dessin réalisé :

Le Mercredi 10/8/2022 à 1:40:00 PM, à Aragon.


Page 1, Chapitre 2

Grâce à la faveur divine, il en réchappa toujours ; car il protégeait les gens d’Église, les orphelins, les veuves, et principalement les vieillards. Quand il en voyait un marchant devant lui, il criait pour connaître sa figure comme s’il avait eu peur de le tuer par méprise.

Des esclaves en fuite, des manants révoltés, des bâtards sans fortune, toutes sortes d’intrépides affluèrent sous son drapeau, et il se composa une armée.Elle grossit. Il devint fameux. On le recherchait.

Tour à tour, il secourut le dauphin de France et le roi d’Angleterre, les templiers de Jérusalem, le suréna des Parthes, le négus d’Abyssinie, et l’empereur de Calicut.

Il combattit des Scandinaves recouverts d’écailles de poisson, des Nègres munis de rondaches en cuir d’hippopotame et, montés sur des ânes rouges, des Indiens couleur d’or et brandissant par-dessus leurs diadèmes de larges sabres, plus clairs que des miroirs. Il vainquit les Troglodytes et les Anthropophages. Il traversa des régions si torrides que sous l’ardeur du soleil les chevelures s’allumaient d’elles mêmes, comme des flambeaux ; et d’autres qui étaient si glaciales que les bras, se détachant du corps, tombaient par terre ; et des pays où il y avait tant de brouillards que l’on marchait environné de fantômes.




Dessin N°16

Dessin réalisé :

Le Jeudi 11/8/2022 à 5:20:00 PM, à Aragon.


Page 3, Chapitre 2

L’empereur, pour prix d’un tel service, lui présenta dans des corbeilles beaucoup d’argent ; Julien n’en voulut pas. Croyant qu’il en désirait davantage, il lui offrit les trois quarts de ses richesses ; nouveau refus ; puis de partager son royaume ; Julien le remercia ; et l’empereur en pleurait de dépit, ne sachant de quelle manière témoigner sa reconnaissance, quand il se frappa le front, dit un mot à l’oreille d’un courtisan ; les rideaux d’une tapisserie se relevèrent, et une jeune fille parut.

Ses grands yeux noirs brillaient comme deux lampes très douces. Un sourire charmant écartait ses lèvres. Les anneaux de sa chevelure s’accrochaient aux pierreries de sa robe entre ouverte ; et, sous la transparence de sa tunique, on devinait la jeunesse de son corps. Elle était toute mignonne et potelée, avec la taille fine.

Julien fut ébloui d’amour, d’autant plus qu’il avait mené jusqu’alors une vie très chaste.




Dessin N°17

Dessin réalisé :

Le Vendredi 12/8/2022 à 11:44:00 AM, à Aragon.


Page 4, Chapitre 2

C’était un palais de marbre blanc, bâti à la moresque, sur un promontoire, dans un bois d’orangers. Des terrasses de fleurs descendaient jusqu’au bord d’un golfe, où des coquilles roses craquaient sous les pas. Derrière le château, s’étendait une forêt ayant le dessin d’un éventail.

Le ciel continuellement était bleu, et les arbres se penchaient tour à tour sous la brise de la mer et le vent des montagnes, qui fermaient au loin l’horizon.

Les chambres, pleines de crépuscule, se trouvaient éclairées par les incrustations des murailles. De hautes colonnettes, minces comme des roseaux, supportaient la voûte des coupoles, décorées de reliefs imitant les stalactites des grottes. Il y avait des jets d’eau dans les salles, des mosaïques dans les cours, des cloisons festonnées, mille délicatesses d’architecture, et partout un tel silence que l’on entendait le frôlement d’une écharpe ou l’écho d’un soupir. Julien ne faisait plus la guerre. Il se reposait, entouré d’un peuple tranquille ; et chaque jour, une foule passait devant lui, avec des génuflexions et des baise-mains à l’orientale. Vêtu de pourpre, il restait accoudé dans l’embrasure d’une fenêtre, en se rappelant ses chasses d’autrefois ; et il aurait voulu courir sur le désert après les gazelles et les autruches, être caché dans les bambous à l’affût des léopards, traverser des forêts pleines de rhinocéros, atteindre au sommet des monts les plus inaccessibles pour viser mieux les aigles, et sur les glaçons de la mer combattre les ours blancs.




Dessin N°18

Dessin réalisé :

Le Mardi 16/8/2022 à 4:35:00 PM, à Le Barroux.


Page 4, Chapitre 2

Quelquefois, dans un rêve, il se voyait comme notre père Adam au milieu du Paradis, entre toutes les bêtes ; en allongeant le bras, il les faisait mourir ; ou bien, elles défilaient, deux à deux, par rang de taille, depuis les éléphants et les lions jusqu’aux hermines et aux canards, comme le jour qu’elles entrèrent dans l’arche de Noé.




Dessin N°19

Dessin réalisé :

Le Samedi 29/7/2023 à 9:03:00 PM, à Le Barroux.


Page 5, Chapitre 2

Elle se promenait avec lui, en litière ouverte, dans la campagne ; d’autres fois, étendus sur le bord d’une chaloupe, ils regardaient les poissons vagabonder dans l’eau, claire comme le ciel. Souvent elle lui jetait des fleurs au visage ; accroupie devant ses pieds, elle tirait des airs d’une mandoline à trois cordes ; puis, lui posant sur l’épaule ses deux mains jointes, disait d’une voix timide : “Qu’avez-vous donc, cher seigneur ?”




Dessin N°20

Dessin réalisé :

Le Dimanche 30/7/2023 à 4:35:00 PM, à Le Barroux.


Page 6, Chapitre 2

Un soir du mois d’août qu’ils étaient dans leur chambre, elle venait de se coucher et il s’agenouillait pour sa prière quand il entendit le jappement d’un renard, puis des pas légers sous la fenêtre ; et il entrevit dans l’ombre comme des apparences d’animaux.

La tentation était trop forte. Il décrocha son carquois. Elle parut surprise. “C’est pour t’obéir ! dit-il, au lever du soleil, je serai revenu.” Cependant elle redoutait une aventure funeste.




Dessin N°21

Dessin réalisé :

Le Lundi 31/7/2023 à 11:53:00 AM, à Le Barroux.


Page 6, Chapitre 2

Peu de temps après, un page vint annoncer que deux inconnus, à défaut du seigneur absent, réclamaient tout de suite la seigneuresse.

Et bientôt entrèrent dans la chambre un vieil homme et une vieille femme, courbés, poudreux, en habits de toile, et s’appuyant chacun sur un bâton.

Ils s’enhardirent et déclarèrent qu’ils apportaient à julien des nouvelles de ses parents.

Elle se pencha pour les entendre. Mais, s’étant concertés du regard, ils lui demandèrent s’il les aimait toujours, s’il parlait d’eux quelquefois.

“Oh ! oui !” dit-elle. Alors, ils s’écrièrent : “Eh bien ! c’est nous !”




Dessin N°22

Dessin réalisé :

Le Mardi 1/8/2023 à 1:25:00 PM, à Le Barroux.


Page 7, Chapitre 2

La femme de Julien les engagea à ne pas l’attendre.

Elle les coucha elle-même dans son lit, puis ferma la croisée ; ils s’endormirent. Le jour allait paraître, et, derrière le vitrail, les petits oiseaux commençaient à chanter.

Julien avait traversé le parc ; et il marchait dans la forêt d’un pas nerveux, jouissant de la mollesse du gazon et de la douceur de l’air. Les ombres des arbres s’étendaient sur la mousse.

Quelquefois la lune faisait des taches blanches dans les clairières, et il hésitait à s’avancer, croyant apercevoir une flaque d’eau, ou bien la surface des mares tranquilles se confondait avec la couleur de l’herbe.

C’était partout un grand silence ; et il ne découvrait aucune des bêtes qui, peu de minutes auparavant, faisaient à l’entour de son château.




Dessin N°23

Dessin réalisé :

Le Mercredi 2/8/2023 à 12:21:00 PM, à Le Barroux.


Page 8, Chapitre 2

Julien parcourut de cette manière une plaine interminable, puis des monticules de sable, et enfin il trouva sur un plateau dominant un grand espace pays. Des pierres plates étaient clairsemées entre des caveaux en mine. On trébuchait sur des ossements de morts ; de place en place, des croix vermoulues se penchaient d’un air lamentable. Mais des formes dans l’ombre indécise des tombeaux ; et il en surgit des hyènes, tout effarées, pantelantes. En faisant leurs ongles sur les dalles, elles vinrent à lui et le flairaient avec un bâillement qui découvrait leurs gencives.

Il dégaina son sabre. Elles partirent à la fois dans les directions, et, continuant leur galop boiteux et dépité, se perdirent au loin sous un flot de poussière.




Dessin N°24

Dessin réalisé :

Le Jeudi 3/8/2023 à 11:13:00 AM, à Le Barroux.


Page 9, Chapitre 2

Elle était embarrassée de lianes ; et il les coupait avec son sabre quand une fouine glissa brusquement entre ses jambes, une panthère fit un bond par-dessus son épaule, un serpent monta en spirale autour d’un frêne.

Il y avait dans son feuillage un choucas monstrueux, qui regardait Julien ; et, çà et là, parurent entre les branches quantité de larges étincelles, comme si le firmament eût fait pleuvoir dans la forêt toutes ses étoiles.

C’étaient des yeux d’animaux, des chats sauvages, des écureuils, des hiboux, des perroquets, des singes.

Julien darda contre eux ses flèches ; les flèches, avec leurs plumes, se posaient sur les feuilles comme des papillons blancs. Il leur jeta des pierres ; les pierres, sans rien toucher, retombaient. Il se maudit, aurait voulu se battre, hurla des imprécations, étouffait de rage.




Dessin N°25

Dessin réalisé :

Le Jeudi 3/8/2023 à 3:51:00 PM, à Le Barroux.


Page 10, Chapitre 2

Ayant retiré ses sandales, il tourna doucement la serrure, et entra.

Les vitraux garnis de plomb obscurcissaient la pâleur de l’aube. Julien se prit les pieds dans des vêtements, par terre ; un peu plus loin, il heurta une crédence encore chargée de vaisselle.

“Sans doute, elle aura mangé”, se dit-il ; et il avançait vers le lit, perdu dans les ténèbres au fond de la chambre. Quand il fut au bord, afin d’embrasser sa femme, il se pencha sur l’oreiller où les deux têtes reposaient l’une près de l’autre. Alors, il sentit contre sa bouche l’impression d’une barbe.

Il se recula, croyant devenir fou ; mais il revint près du lit, et ses doigts, en palpant, rencontrèrent des cheveux qui étaient très longs. Pour se convaincre de son erreur, il repassa lentement sa main sur l’oreiller.

C’était bien une barbe, cette fois, et un homme ! un homme couché avec sa femme !

Éclatant d’une colère démesurée, il bondit sur eux à coups de poignard ; et il trépignait, écumait, avec des hurlements de bête fauve. Puis il s’arrêta. Les morts, percés au cœur, n’avaient pas même bougé. Il écoutait attentivement leurs deux râles presque égaux, et, à mesure qu’ils s’affaiblissaient, un autre, tout au loin, les continuait. Incertaine d’abord, cette voix plaintive, longuement poussée, se rapprochait, s’enfla, devint cruelle ; et il reconnut, terrifié, le bramement du grand cerf noir.




Dessin N°26

Dessin réalisé :

Le Vendredi 4/8/2023 à 1:22:00 PM, à Le Barroux.


Page 1, Chapitre 3

Il s’en alla, mendiant sa vie par le monde. Il tendait sa main aux cavaliers sur les routes, avec des génuflexions s’approchait des moissonneurs, ou restait immobile devant la barrière des cours ; et son visage était si triste que jamais on ne lui refusait l’aumône.

Par esprit d’humilité, il racontait son histoire ; alors tous s’enfuyaient, en faisant des signes de croix. Dans les villages où il avait déjà passé, sitôt qu’il était reconnu, on fermait les portes, on lui criait des menaces, on lui jetait des pierres. Les plus charitables posaient une écuelle sur le bord de leur fenêtre, puis fermaient l’auvent pour ne pas l’apercevoir. Repoussé de partout, il évita les hommes ; et il se nourrit de racines, de plantes, de fruits perdus, et de coquillages qu’il cherchait le long des grèves.



Fabreal 31 octobre 2024
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