Par centaine, les soldats ont couru aveuglément devant les photographes. Pour chacun, la pose est identique. Le soldat est debout baïonnette au canon, vêtu d’habits d’apparat, ou bien, arme à la main en tenue de combat, ou quelques fois sans arme.

Il fixe l’objectif et semble regarder devant. Immobile face à son destin, au moment même où son image se révèle sur la pellicule.
En 1914 se démocratise la photographie militaire. Cette iconographie commune appartenait autrefois à la bourgeoisie, aux monarques ou autre nobles. L’histoire est remplie de ces chevaliers, capitaines, généraux ou empereurs dressés face à l’œil de l’artiste pour magnifier leur gloire. Souvent a posteriori afin de célébrer la victoire sur l’ennemi et d’achever l’humiliation des victimes.
Le soldat du rang pose la question de l’oubli. Cette image sacrée vient comme un ex-voto, comme une offrande faite à un dieu pour une grâce espérée. À travers elle, ne cherche-t-il pas l’éternité ? La marque qui le gardera en nos souvenirs loin des soldats inconnus, oubliés et morts au champ d’honneur.
Installé face à nous, il instille le doute d’une gloire posthume. Dans cette posture déjà transparaît le sacrifice inéluctable de la victime.

Peinture / Soldat debout N°10,
 Aragon.
Les tableaux de cette série sont au format 120F
c’est-à-dire 195 X 130 cm.
Techniques mixtes sur Toile,
peinture et collage
(huile, acrylique et vernis glycérophtalique).

Proxémie